L’ Union européenne est un réducteur d’inégalités

L’ Union européenne est engagée depuis son origine dans la réduction  des inégalités entre les Etats membres de l’Union, et aussi entre les régions de l’Union. Le résultat de cette politique à long terme n’est pas négligeable : les pays « en retard » parviennent peu à peu à combler leur retard, les régions les plus défavorisées sont fortement soutenues. Avec les élargissements de l’Union de 2004 et 2007, les aides communautaires pour les régions défavorisées se concentrent désormais surtout sur les régions en retard, ce qui est évident, qui se trouvent presque toutes dans les nouveaux pays membres (Europe centrale). On peut y ajouter le sud de l’Espagne et de l’Italie et le Portugal.
Lorsqu’on parle de l’Union européenne, ce rôle de l’Union comme réducteur d’inégalité de devrait pas être occulté, même si on n’en parle guère actuellement. Il est vrai que les aides communautaires pour les régions ne profitent quasiment plus aux régions de France (à l’exception des régions ultra-marines). Certains programmes en France bénéficient encore du Fonds social européen (par exemple des opérations de reconversion).

L’Union européenne, instrument de coopération régionale

Les critiques adressées habituellement au fonctionnement des institutions européennes – opacité, bureaucratie pléthorique, production de normes et de règlements éloignés des préoccupations des citoyens, entre autres – ont souvent tendance à ignorer le bilan de cinquante années d’une politique régionale active et multiforme. Sous l’appellation parfois de politique de cohésion sociale et territoriale, elle se propose de contribuer à réduire les inégalités et les disparités existant entre pays membres mais aussi à l’intérieur de chacun. Cet aspect méconnu de l’action de Bruxelles, qui repose sur le principe de solidarité entre les participants de l’Union, se traduit par la mise en œuvre de fonds européens aux acronymes évidemment peu médiatiques mais dotés de moyens étendus. Ces fonds représentent aujourd’hui plus du tiers du budget communautaire, le deuxième poste de dépenses après la politique agricole commune, et les premiers bénéficiaires en sont sans surprise les nouveaux entrants aux économies bien moins développées que celles des membres historiques, mais ils permettent aussi à ces derniers de recevoir leur part et de financer des projets dans des zones réputées défavorisées, difficiles d’accès, enclavées ou touchées par le dépeuplement ou la désindustrialisation. Le principe de cette redistribution se trouvait déjà inscrit dès l’origine dans les traités de Rome; il a été repris dans tous les textes qui leur ont succédé et les ont complétés. La dernière version du «traité sur le fonctionnement de l’Union européenne» le rappelle dans son article 174: «l’Union vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins défavorisées».

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Union européenne, carte des 274 régions. En rouge vif, les régions qui disposent d’un produit intérieur par habitant inférieur à 75% du produit moyen de l’Union. Ce sont vers ces régions que se concentrent les aides de l’Union. Aucune n’est située en France métropolitaine.

Les principaux instruments de cette politique sont donc les «fonds structurels et d’investissement» dont le montant global atteint plus de 30% du budget communautaire et qui comprennent cinq entités:
– le FEDER (Fonds européen de développement régional), le plus important avec une dotation de 314 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Il poursuit 4 objectifs prioritaires rappelés dans la stratégie Europe 2020 ou stratégie pour la croissance: renforcer la recherche et l’innovation, fortifier les PME, soutenir le développement d’une économie circulaire, améliorer le cadre de vie des quartiers et des populations défavorisées.
– le FSE (fonds social européen), le plus ancien puisque créé en 1957, avec 80 milliards jusqu’en 2020. Il finance l’emploi, la formation, la lutte contre l’exclusion sociale et vise à réduire la pauvreté. L’objectif fixé pour la fin de la décennie consiste à sortir 20 millions de personnes de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
– Le FCS (fonds de cohésion sociale), créé en 1992 qui vise à promouvoir une croissance verte et un développement durable dans les régions dont le PIB est à moins de 90% de la moyenne européenne. La dotation est de 63,4 milliards d’ici 2020.
– le FEADER (fonds agricole pour le développement rural), destiné à promouvoir une agriculture plus efficace et plus verte (95 milliards).
– Le FEAMP (fonds pour les affaires maritimes et la pêche), le plus récent et le moins bien doté avec 5,79 milliards.

Ces sources de financement (que viennent du reste compléter d’autres fonds plus spécifiques notamment en matière de recherche, d’innovation, de transports ou de télécommunications) sont bien évidemment destinées aux seuls pays membres mais il est important de noter que les candidats et ceux qui ont vocation à l’être peuvent bénéficier de programmes dont la finalité est identique: préparer à leur accession ces pays situés sur le continent européen et les aider à combler leur retard dans le domaine économique et social. Entre 2007 et 2013, 11,7 milliards ont été consacrés à des actions liées à la préadhésion et à l’élargissement mais aussi 15,4 milliards à l’ «instrument européen de voisinage» qui vise le cercle plus large des pays européens restés en dehors de l’élargissement: Russie, Ukraine, Moldavie, Etats du Caucase, ainsi que les pays dits «partenaires» situés sur le pourtour de la Méditerranée, du Maroc à la Turquie, et sont particulièrement liés à l’Europe par leur histoire et leur proximité géographique.

On ajoutera pour être complet que l’Union européenne est le principal bailleur d’aide publique au développement dans le monde avec 55,9 milliards distribués entre 2007 et 2013 répartis entre le FED (fonds européen de développement) et l’ «instrument de coopération au développement». Bruxelles est présent dans 139 pays avec des délégations chargées de sélectionner les programmes et d’en suivre la mise en œuvre. Les accords de Cotonou conclus en 2000 pour une durée de 20 ans avec les Etats ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) forment la base institutionnelle du dispositif. Il est clair que ces activités qui couvrent pratiquement tous les domaines et impliquent l’engagement de sommes considérables ne peuvent être menées qu’avec un personnel suffisamment nombreux et le sentiment souvent répandu dans les opinions publiques que l’Union souffre d’une hypertrophie de fonctionnaires devrait être corrigée par une meilleure prise de conscience des missions que les Etats membres lui ont eux-mêmes confiées. Il ne s’agit pas seulement de créer des normes communes, d’harmoniser des politiques nationales ou de définir des objectifs mais aussi de gérer avec le plus de rigueur possible un ensemble de fonds et d’instruments financiers.

Le reproche est souvent adressé aux institutions européennes de s’emparer de questions qui concernent en priorité les Etats membres et que ces derniers sont mieux à même de traiter au niveau national. Un autre reproche consiste à l’inverse à regretter impuissance ou manque d’efficacité sur des sujets sensibles où une coordination étroite et une harmonisation des législations apparaissent essentielles à la réalisation du marché unique. Il en tout cas un domaine où l’Union européenne a depuis l’origine marqué une forte présence, celui du rééquilibrage et de la réduction des disparités économiques et sociales entre régions et pays membres. Cet acquis qui risque d’être occulté par les débats autour de l’avenir de la construction européenne mérite d’être mieux mis en valeur

Dominique Chassard
(bénévole SNMUE)

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