Philippines : l’Eglise face au Président Duterte

Philippines-carte2Rodrigo Duterte, Président de la république des Philippines, est un homme politique que l’on peut à juste titre qualifier de populiste. Il a gagné les élections et bénéficie (encore) du soutien d’une majorité de ses concitoyens malgré et à cause de son style violent, injurieux et vulgaire. Il s’est attaqué au problème de la drogue en donnant carte blanche aux forces de l’ordre (et à des escadrons de la mort) pour éliminer les trafiquants. Éliminer au sens propre du terme : les tuer. Ni arrestation, ni procès. Ce qu’on appelle ailleurs une exécution extra-judiciaire. Ces forces de l’ordre croient bénéficier de l’impunité et en profitent pour exécuter de simples consommateurs de drogue, certains analystes disent aussi des gens dans la rue qui sont simplement pauvres. Depuis l’arrivée au pouvoir de Duterte, il y a eu plus de 7000 personnes exécutées par la police.

Rodrigo Duterte

Rodrigo Duterte

L’épiscopat du pays (près de 130 évêques) ne s’était pas vraiment opposé à Duterte durant la campagne électorale, seuls quelques évêques avaient invité à ne pas voter pour lui. La conférence des Evêques avait offert sa « collaboration vigilante » au nouveau président. Depuis, le président philippin a insulté de nombreuses personnes, chefs d’Etat étrangers, y compris les évêques du pays (et y compris le pape).

Avec les exécutions de prétendus trafiquants de drogue et avec le projet de rétablissement de la peine de mort, l’épiscopat se réveille. Il vient de publier un communiqué dans lequel il invite tous les catholiques et tous les Philippins « favorables à la vie » à poursuivre leur opposition spirituelle à la peine de mort. « Nous, évêques, sommes submergés de peine, mais nous ne sommes pas vaincus et nous ne nous laisserons pas réduire au silence… Nous préparons le triomphe de la vie sur la mort, et alors que nous déplorons le vote du parlement pour la mort, notre foi nous assure que la Vie triomphera ». Le Président a accusé les évêques d’hypocrisie (« ils veulent lutter contre la drogue, mais n’en prennent pas les moyens… »). Il a accusé les chefs de l’Église de corruption, d’immoralité sexuelle et de pédophilie !

Cardinal Tagle

Cardinal Tagle

Dans ce contexte, le Président a indiqué qu’à sa mort, il ne souhaitait pas bénéficier de funérailles catholiques. Un seul évêque, émérite, lui a répondu que cela équivalait à une déclaration de non-appartenance à l’Église catholique. Et qu’il devait le dire clairement…

A l’origine de la première manifestation de masse contre Rodrigo Duterte mi-février, l’Église est-elle en mesure de faire renaître l’esprit de la révolution du « People Power » qui avait en 1986 chassé d’une manière non-violente le dictateur Marcos ? Il faudrait pour cela que l’Église entre en synergie forte avec une aspiration populaire. Que les évêques du pays soient unis et surmontent la polarisation dans l’Église. Que le cardinal Tagle, à l’image du Cardinal Sin, incarne une résistance de la société civile contre l’arbitraire de l’État. On n’en est pas (encore) là !

Antoine Sondag
10 mars 2017

On consultera le site de la Conférence des Évêques des Philippines (site en anglais)

 

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