Les leçons d’une épidémie

Suite à l’homélie du Pape François le 27 mars 2020, le Père Ronald La Barrera, docteur en bioéthique et vice-recteur du CEBITEPAL[1],livre sa réflexion sur les leçons de l’épidémie de coronavirus.

Désert&Coucher-Soleil

Notre vie prend des couleurs de fin de journée, les rues et les places se sont obscurcies comme notre esprit et notre cœur, nous sommes invités à nous enfermer chez nous, et cela nous secoue, il y a longtemps que nous ne restions pas aussi longtemps à la maison et maintenant nous ne savons pas quoi faire.

Nous nous sentons effrayés et perdus. Nous n’avions jamais vécu une telle expérience. Nous avons lu et entendu que l’histoire de l’humanité avait connu des pandémies, nous avons vu des films et nous pensions que cela ne nous arriverait pas, c’étaient des histoires du passé, aujourd’hui la science et la technologie ont progressé, l’orgueil humain nous fait nous croire « tout-puissants », mais le COVID – 19 nous a remis face à la réalité, nous sommes des personnes humaines, fragiles et faibles, ayant beaucoup progressé certes, mais qui en fin de compte restent faites d’argile.

Comme les disciples de l’évangile, nous avons été surpris par la rage d’une tempête imprévue. L’évangile le dit (Cf Lc 17, 26-37), ils mangeaient et buvaient, semaient et bâtissaient ; chacun de nous occupé à ses affaires, courant d’un côté à l’autre, sans trop de temps pour la prière, indifférents aux choses de Dieu, et tout à coup surpris par cette pandémie, la contagion, les malades, les morts. L’inattendu fait irruption dans notre monde, les autorités ordonnent des confinements, les églises ferment, mais les familles commencent à prier, les réseaux sociaux se remplissent de prières, de chapelets, d’eucharisties, de méditation de la Parole, pour calmer la furie du COVID – 19.

Nous avons réalisé que nous étions tous dans la même barque, tous fragiles et désorientés ; il nous faut ramer ensemble : autorités et citoyens, agents de santé et familles, gardiens de l’ordre et population, il n’y a pas actuellement de place pour le vedettariat, nous devons mettre de côté l’arrogance et l’orgueil, car pauvres et riches, enfants et adultes, jeunes et vieux, tous les peuples de la terre, subissent cette pandémie, et ce n’est qu’ensemble que nous pourrons la surmonter.

Beaucoup se demandent : Où est Dieu ? Il a fallu que survienne cette pandémie pour que nous nous interrogions sur Dieu, c’est quand la peur nous touche au plus profond que nous nous arrêtons et nous souvenons qu’il y a un Dieu, mais la question est latente, si Dieu est amour, pourquoi est-ce qu’il n’agit pas, pourquoi est-ce qu’il nous abandonne à la crainte d’être engloutis par la tempête ?

Nous réalisons que l’argent ne nous préserve pas de cette pandémie et de fait toutes les économies commencent à couler, le pouvoir s’affaiblit, la science et la technique n’arrivent pas encore à trouver de vaccin contre ce virus ou de médicament qui puisse guérir ceux qui en sont atteints, et en attendant une solution à cette catastrophe, il ne nous reste que la crainte et la foi.

Aujourd’hui nous sommes face à une tempête et nous devons la traverser en tremblant, parce que nous sommes fragiles, faibles, et nous ne savons pas si nous aurons la force de de surmonter tout cela ; mais avec foi, dans l’espérance, parce que nous ne sommes pas seuls et c’est le Seigneur qui conduit nos vies, le Dieu qui peut tout, qui a guéri de nombreux malades, ressuscité des morts et a apaisé la tempête.

C’est maintenant que nous nous rendons compte à quel point nous avons été maladroits et têtus, nous avons cru que nous pouvions avancer seuls, que notre épanouissement et notre bonheur ne dépendaient que de nous, que l’argent et le pouvoir pouvaient nous procurer beaucoup de choses, nous avons confondu plaisir et bonheur et nous avons voulu être et nous sentir « dieux ».

La course au pouvoir et à l’avoir nous a conduits à des guerres sans raison, à une exploitation démesurée des ressources naturelles, à l’accumulation de biens au prix de la souffrance de tant de familles touchées par la drogue, la traite des personnes, la prostitution, le mépris de leur dignité, nous avons piétiné ce qui nous apparaissait comme des obstacles dans notre course à la gloire et au pouvoir.

Nous vivions comme dans un rêve, un rêve dont nous pensions ne jamais nous réveiller. (…)

Aujourd’hui, devant les circonstances difficiles que nous traversons, alors que nous voyons notre vie menacée, alors que nous ne trouvons pas la solution pour contrôler cette pandémie, nous disons : « Seigneur, réveille-toi » et la réponse du Seigneur est : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Convertissez-vous, « revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Il nous invite à vivre ce moment d’épreuve comme un moment d’élection.

Ce n’est pas le moment de se faire des reproches, de chercher des coupables ou de se condamner mutuellement, c’est le moment de retourner en nous-mêmes, de revoir notre vie, de réaliser quel est le vrai chemin qui mène au bonheur. Rester chez nous nous permet d’y réfléchir et de comprendre quelles sont les personnes qui ont été et sont à nos côtés, qui nous ont aidés à mûrir et à nous épanouir. (…)

Le Pape François nous dit : « Le Seigneur nous interpelle et, au milieu de notre tempête, il nous invite à réveiller puis à activer la solidarité et l’espérance capables de donner stabilité, soutien et sens en ces heures où tout semble faire naufrage. Le Seigneur se réveille pour réveiller et raviver notre foi pascale. Nous avons une ancre : par sa croix, nous avons été sauvés. Nous avons un gouvernail : par sa croix, nous avons été rachetés. Nous avons une espérance : par sa croix, nous avons été rénovés et embrassés afin que rien ni personne ne nous sépare de son amour rédempteur. »

Créés par amour, mettons en pratique le commandement que le Christ nous a laissé : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». (…)

Ne cessons pas d’aimer car l’amour nous conduit au service, au pardon, à l’humilité, à la solidarité, à la compassion, à nous mettre à la place de celui qui souffre, du nécessiteux, en sachant que, comme le dit Jean de la Croix « au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés ».

 

Traduction Annie Josse
Texte paru sur Prensa Celam

[1] Centre biblique, théologique et pastoral pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEBITEPAL), centre de formation du CELAM.
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