Des béatifications qui nous interpellent

Mgr François – Paco – d’Alteroche, du diocèse de Mende, a passé quarante-deux ans comme prêtre fidei donum en Argentine, puis au Pérou, où il a été administrateur (évêque) de la prélature d’Ayaviri, et prêtre dans le diocèse de Sicuani (région de Cuzco). Paco continue à faire de fréquents séjours au Pérou. Il vient de participer à La Rioja à la béatification d’Enrique Angelleli, Carlos Murias, Gabriel Longueville et Wenceslao Pedernera, qu’il a tous bien connus. En Argentine, il exerçait son ministère précisément dans le diocèse de La Rioja, qu’il avait dû quitter précipitamment quelques semaines avant leur mort.

Des béatifications qui nous interpellent. Messe d'action de grâce à Chamical, paroisse de Grabriel Longueville et de Carlos Murias

Messe d’action de grâce à Chamical, paroisse de Grabriel Longueville et de Carlos Murias

Que le pape François, au nom de toute l’Église, déclare que Mgr Enrique Angelleli, le P. Carlos Murias, le P. Gabriel Longueville (prêtre Fidei donum du diocèse de Viviers) et Wenceslao Pedernera (laïc, père de famille) soient tous les quatre reconnus « martyrs tués en haine de la foi » et proclamés « bienheureux », n’est pas anodin et ne peut qu’apporter un élan d’espérance dans une période aussi troublée pour notre Église en général.

Pourquoi ces béatifications ? Il ne s’agit pas ici de développer le climat de violence qui régnait en Argentine dans les années 1970-1980 ni de rappeler les graves tensions politiques et sociales qui ont marqué profondément la société argentine et qui continuent d’exister encore.

Mgr Enrique Angelleli, évêque du diocèse de La Rioja, homme profondément marqué par le concile Vatican II n’avait d’autre désir que de rendre toute sa dignité à tous ceux et celles vivant le plus souvent dans des conditions dégradantes.

Autour de cet évêque, ce sont aussi de nombreux laïcs, religieuses et prêtres qui partageaient cette même ligne d’évangélisation, laquelle ne pouvait pas ne pas engendrer des réactions violentes de la part des autorités de l’époque qui ne voyaient que de dangereux révolutionnaires chez tous ceux et celles qui parlaient de justice, d’option pour les pauvres, de défense des droits de la personne humaine… bref de tout ce qui pouvait mettre en danger « leur ordre établi ».

En ces mois de juillet et août 1976, Enrique, Carlos, Gabriel et Wenceslao furent assassinés par la junte militaire afin de faire taire la voix prophétique de l’Église de La Rioja.

Ce 27 avril 2019, 42 ans après ces assassinats, l’Église de La Rioja vient de célébrer dans un climat d’action de grâce, de joie et d’espérance la béatification de ces 4 martyrs ; une célébration bien préparée et présidée par le cardinal Angelo Becciu, envoyé spécial du pape François, en présence de 15 000 personnes environ.

Pour nous qui avons travaillé en Amérique latine et qui avons eu la grâce de participer et de nous donner totalement dans cette dynamique d’évangélisation, appuyés en cela par les documents de Medellín, Puebla, Aparecida, pour nous qui avons été souvent critiqués, menacés, suspectés d’hérétiques ou d’être l’objet de manigances politiques ou autres influences, oui pour nous la béatification de ces 4 martyrs est aussi la reconnaissance par l’Église tout entière que toute cette richesse évangélique, si présente dans la Théologie de la Libération est et sera toujours chemin d’espérance pour notre monde puisqu’elle est capable d’engendrer des martyrs.

C’est bien dans cette ambiance que nous avons célébré ces béatifications là-bas dans cet « autre bout du monde », qui nous interpellent encore aujourd’hui là où nous nous trouvons et qui nous encouragent à continuer de travailler en vue du Royaume de Dieu.

Paco d’Alteroche

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