Gilets jaunes en France, bidons jaunes de Madagascar !

Le père Bernard Guichard de Majunga, dans le nord-ouest à Madagascar nous partage le quotidien dans cette ville avec les consignes de confinement.

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Gilets jaunes en France, bidons jaunes à Madagascar

File de bidons jaunes pour faire des réserves d’eau à Majunga.

Quelques chiffres, pris dans la presse malgache de ces derniers jours sur la situation générale dans tout Madagascar en ce qui concerne le coronavirus : il y a actuellement 128 cas de personnes atteintes pour tout l’ensemble de l’Ile. 77 personnes sont hospitalisées, toujours en traitement, mais pas de formes graves pour le moment. 90 cas de guérison depuis le 4 Avril dernier. Jusqu’à ce jour, 0 décès.

Les régions les plus touchées ce sont les régions du centre (qu’on appelle la région des Plateaux) Antananarivo, Antsirabe, Fianarantsoa ainsi que plus au Sud Tuléar et sur la côte-Est : la ville de Tamatave et même Fénérive-Est.

Ici à Majunga, pour le moment nous sommes épargnés ; certains disent que ce « coronavirus » n’aime pas la chaleur, c’est vrai que les journées sont encore chaudes : 34 et même 35° dans la journée.

Tout le monde connait par cœur les consignes de sécurité, lavage des mains toutes les heures, distanciations, éviter de sortir inutilement, rester confinés à la maison. Les enfants du quartier ont beaucoup de mal à prononcer le mot confiné, ils préfèrent dire : il faut rester “confirmés” à la maison.

En fait, dans notre belle et grande ville de Majunga (plus de 300.000 hab.), la vie continue comme avant l’arrivée de “ corona “. Bien sûr toutes les écoles et les Universités ont été vite fermées, les grands rassemblements dans les églises, les temples et les mosquées ont été interdits.

Depuis que je suis à Madagascar, c’est bien la première fois que je n’ai pas la joie de baptiser des adultes et des grands jeunes pendant la nuit pascale. Cette année il devait y en avoir 29 dans notre église d’Antanimalandy.

En dehors de ces deux choses, dont tout le monde a bien compris la nécessité, impossible de tenir compte des autres barrières.

Tous les marchés de la ville du plus grand au plus petit sont ouverts toute la journée les bus qui desservent la ville sont toujours aussi surchargés. Les petits marchands sont toujours assis dans la poussière au bord du chemin pour vendre quelques fruits ou légumes, comme ils disent : ” il faut bien trouver l’argent qui demain servira à nourrir toute la famille : mourir du corona ou mourir de faim, il faut choisir ».

Pas de “masques” ou vraiment très peu ! Se laver les mains toutes les heures, c’est bien, mais dans notre quartier comme dans beaucoup d’autres quartiers populaires de la ville, l’eau nous est coupée de 5 heures du matin jusqu’à minuit et parfois 2 heures du matin. Il faut se lever en pleine nuit pour remplir les seaux et les bidons jaunes de 20 litres, pour la cuisine, la lessive et la toilette du lendemain.

Vous avez eu la période des gilets jaunes, nous, c’est la course aux bidons jaunes.

Les jeunes qui font partie des classes d’examen, C.E.P. – BEPC, Baccalauréat viennent de reprendre les cours. Les responsables d’établissements s’efforcent de leur mieux de respecter les consignes de sécurité, mais dès qu’ils sortent de classe, les élèves se précipitent vers les bus déjà surchargés, au point que l’aide-chauffeur a quelque fois du mal à fermer la porte.

Les occupations de la journée ne manquent pas. Pour moi, pas question de rester confiné à la maison.

Messe le matin à 6 heures dans les communautés religieuses qui nous entourent. Puis après le petit-déjeuner, je pars en ville faire les différentes courses nécessaires, je suis l’économe de la maison et il faut bien nourrir mes deux confrères et les amis de passage.

L’après-midi visite de malades dans les différents hôpitaux de la ville ou souvent dans leurs maisons. Et puis bien sûr pas question de fermer notre porte aux plus pauvres ou aux handicapés de plus en plus nombreux qui viennent demander de l’aide : un peu d’argent pour acheter du riz ou des médicaments : il faut prendre le temps de les écouter et de trouver avec eux la meilleure façon de les aider.

Avec tout cela plus le temps de penser à mon congé qui était prévu pour la fin Juin. Je viens d’annuler mon billet d’avion. Je doute que les avions des lignes extérieures soient rétablis.  Pas question pour moi de quitter mes amis malgaches dans ces moments difficiles. J’ai promis aux catéchumènes que j’accompagne depuis deux ans de ne pas partir avant qu’ils ne soient baptisés. A la communauté francophone de la Cathédrale, il faudra aussi assurer, les baptêmes d’enfants et les premières communions. Difficile encore de faire un programme et de choisir des dates.

Les toutes dernières nouvelles : une épidémie de Dengue commence à se répandre très vite dans notre quartier. Recrudescence du paludisme, qu’on commençait à oublier.

Voilà quelques nouvelles de Majunga.

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Bernard Guichard
Majunga, le 30 avril 2020

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