François à Maurice

Avec une visite éclair d’à peine 9 heures sur le sol de notre petite Île Maurice, le Pape François a su parler au cœur des Mauriciens de toutes cultures. En plus, cette visite coïncidait avec la fête du Bienheureux Père Laval, missionnaire de cette terre au XIXème siècle. Des impressions personnelles ! Il faut trier entre l’anecdotique et l’essentiel, entre l’affectif et le spirituel. Aussi, je vais organiser mon papier sous la forme d’un abécédaire en reprenant largement les propos du Pape qui m’ont le plus marqué… et pas seulement moi.

Le pape François lors de sa visite à l'Île Maurice.

Le pape François lors de sa visite à l’Île Maurice.

 

Ambiance

Bien avant l’arrivée du Saint Père, Maurice s’était parée de pavillons, d’affiches, de T-shirts aux couleurs de l’évènement avec le slogan « Pape François Pèlerin de la Paix ». La foule s’est pressée tout au long du parcours entre l’aéroport et la capitale Port Louis (48 km), et sur la colline Marie Reine de la Paix on estime à près de 100.000 personnes rassemblées pour la célébration de la messe. Chacun portait une branche de palmier et c’est une marée multicolore qui a accueilli le Pape au chant de « Enn soley ape leve lor nou Legliz… ». La fête !

Écologie, environnement

On sait depuis l’encyclique Laudato Sì combien c’est un souci pour François que chacun participe à la conservation de « notre maison commune ».  Les branches de palmiers multipliants agitées n’étaient pas destruction (il faut les prélever de temps en temps) mais signe de cet équilibre à retrouver dans une île où la tentation de tout bétonner pour des raisons économiques est forte. Cela sera suivi de l’initiative qu’a présentée le Cardinal Maurice Piat : « Pour vous témoigner notre reconnaissance et marquer d’une pierre blanche votre passage chez nous, comme pèlerin de paix, la Commission Diocésaine Justice et Paix et diverses ONG ont décidé d’inviter les Mauriciens à planter 100 000 plantes en signe de leur engagement à répondre à votre appel pour une écologie intégrale. Ces plantes seront pour nous un rappel de votre invitation constante à écouter à la fois le cri des pauvres et le cri de la nature. »

Interreligieux

« Je voudrais saluer la manière dont, à Maurice, les différentes religions, avec leurs identités propres, travaillent main dans la main pour contribuer à la paix sociale et rappeler la valeur transcendante de la vie contre toutes sortes de réductionnisme. Et je renouvelle la disponibilité des catholiques de Maurice de continuer à participer à ce dialogue fructueux qui a marqué si fortement l’histoire de votre peuple » (discours à la Présidence de la République devant les autorités). Une cohabitation fraternelle qui a toujours à se méfier de tout communautarisme mais qui se manifeste dans la vie quotidienne des Mauriciens.

Jeunesse

Tous ont constaté (et la presse y a largement fait écho) que les propos du Pape, dans son homélie comme dans les remerciements ou son discours aux autorités, ont fait une large place à la jeunesse qui était aussi très présente sur les lieux. Jeunesse souvent désorientée sur cette terre où elle a du mal à trouver sa place : « Qu’il est dur de constater que, malgré la croissance économique que votre pays a connue ces dernières décennies, ce sont les jeunes qui souffrent le plus, ce sont eux qui ressentent le plus le chômage qui cause non seulement un avenir incertain, mais qui leur enlève aussi la possibilité de se sentir acteurs privilégiés de leur propre histoire commune. Un avenir incertain qui les pousse à l’écart et les oblige à concevoir leur vie en marge de la société, les laissant vulnérables et presque sans repères face aux nouvelles formes d’esclavage de ce XXIe siècle. Ceux-ci, nos jeunes, sont notre première mission! Nous devons les inviter à trouver leur bonheur en Jésus ; mais pas de manière aseptisée ou de loin, mais en apprenant à leur donner une place, en connaissant leur langage, en écoutant leurs histoires, en vivant à leurs côtés, en leur faisant sentir qu’ils sont bénis de Dieu. Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Église et de la société ; ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de cette terre ! » (Homélie)

Mission-Vocations

Le texte de l’évangile du jour était celui des Béatitudes. Faisant la comparaison entre le site de la célébration et le Mont des Béatitudes, le Pape François nous a dit dans son homélie : « Seuls les chrétiens joyeux éveillent le désir de suivre ce chemin ; « le mot “heureux” ou “bienheureux”, devient synonyme de “saint”, parce qu’il exprime le fait que la personne qui est fidèle à Dieu et qui vit sa Parole atteint, dans le don de soi, le vrai bonheur [… ] Lorsque nous entendons le pronostic menaçant « nous sommes de moins en moins », nous devrions d’abord nous préoccuper non pas du déclin de tel ou tel mode de consécration dans l’Église, mais du manque d’hommes et de femmes qui désirent vivre le bonheur sur des chemins de sainteté, des hommes et des femmes qui laissent leur cœur brûler par l’annonce la plus belle et la plus libératrice […] L’élan missionnaire a un visage jeune et revigorant. Ce sont précisément les jeunes qui, par leur vitalité et leur disponibilité, peuvent lui donner la beauté et la fraîcheur propres de la jeunesse, quand ils mettent au défi la communauté chrétienne de se renouveler et nous invitent à partir vers de nouveaux horizons. Mais ceci n’est pas toujours facile, parce que cela exige que nous apprenions à les reconnaître et à leur donner une place au sein de notre communauté, de notre société. »

Modèles

Dans l’après-midi de ce jour, le Pape est allé se recueillir sur le tombeau du P. Laval où les foules se rassemblent en grand nombre en particulier autour de l’anniversaire de sa mort, devenu jour de sa fête ; mais déjà le matin, à la messe il nous avait rappelé son exemple, modèle pour tout missionnaire : « Les béatitudes « sont comme la carte d’identité du chrétien. Donc, si quelqu’un d’entre nous se pose cette question, “comment fait-on pour parvenir à être un bon chrétien ?”, la réponse est simple : il faut mettre en œuvre, chacun à sa manière, ce que Jésus déclare dans le sermon des béatitudes. À travers celles-ci se dessine le visage du Maître que nous sommes appelés à révéler dans le quotidien de nos vies, comme l’a fait celui que l’on appelle « l’apôtre de l’unité mauricienne » le Bienheureux Jacques-Désiré Laval si vénéré sur ces terres. L’amour du Christ et des pauvres a marqué sa vie d’une telle manière qu’il fut protégé de l’illusion de réaliser une évangélisation « distante et aseptisée ». Il savait qu’évangéliser suppose d’être tout à tous (cf. 1 Co 9, 19-22) : il a appris la langue des esclaves récemment libérés et il leur a enseigné de façon simple la Bonne Nouvelle du salut. Il a su rassembler les fidèles, les former pour entreprendre la mission et fonder de petites communautés chrétiennes dans les quartiers, les villes et les villages voisins, petites communautés dont beaucoup d’entre-elles sont à l’origine des paroisses actuelles. Sa sollicitude le porta à faire confiance aux plus pauvres et aux personnes rejetées pour que ce soient eux les premiers à s’organiser et à trouver des réponses à leurs souffrances ».

Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Église…

Politique

Peuplé définitivement depuis seulement le début du XVIIIème siècle, l’Île Maurice est une mosaïque de population… l’histoire comporte pour l’avenir certaines obligations : « L’ADN de votre peuple garde la mémoire de ces mouvements migratoires qui ont conduit vos ancêtres jusque sur cette île et qui les ont amenés aussi à s’ouvrir aux différences pour les intégrer et les promouvoir en vue du bien de tous. C’est pourquoi je vous encourage, dans la fidélité à vos racines, à relever le défi de l’accueil et de la protection des migrants qui aujourd’hui viennent ici pour trouver un travail et, pour beaucoup d’entre eux, de meilleures conditions de vie pour leurs familles. Ayez à cœur de les accueillir comme vos ancêtres ont su s’accueillir les uns les autres, comme protagonistes et défenseurs d’une véritable culture de la rencontre qui permette aux migrants (et à tous) d’être reconnus dans leur dignité et dans leurs droits…
Je voudrais vous encourager à promouvoir une politique économique axée sur les personnes et qui soit en mesure de favoriser une meilleure répartition des revenus, la création d’emplois et la promotion intégrale des plus pauvres. Vous encourager à ne pas succomber à la tentation d’un modèle économique idolâtre qui ressent le besoin de sacrifier des vies humaines sur l’autel de la spéculation et de la simple rentabilité, qui ne prend en compte que l’avantage immédiat au détriment de la protection des plus pauvres, de l’environnement et de ses ressources ». (Discours à la Présidence)

Préparation

Annoncée depuis plusieurs mois, cette visite a conduit à une grande réflexion sur l’ensemble du diocèse de Port Louis sur le thème « Disciples missionnaires comme P. Laval ». Dans les paroisses, de nombreux groupes ont partagé durant 4 semaines en vue de la préparation spirituelle pour accueillir la parole du pape.
A cela s’est ajoutée la participation de nombreux bénévoles (accueil, service d’ordre, liturgie, chorales, musiciens, donneurs de communion, service de nettoyage…) pour que tout soit au top… et ce le fut !

Silence

La fête a été associée à une grande ferveur et l’enthousiasme naturel de la population a su faire place à un grand recueillement que ce soit durant l’Eucharistie ou lors de la visite de François au tombeau du P. Laval. Le silence d’une grande foule est toujours impressionnant et ce 9 septembre, on sentait comment ceux qui se sont rassemblés, de Maurice mais aussi de Rodrigues, Agaléga, la Réunion, les Seychelles ou les Comores, avaient le désir de laisser entrer dans leur cœur les paroles que le Pasteur, venait nous apporter de la part du Maître qui sur la montagne avait proclamé : « Heureux…. »

René Bergougnoux (Cahors), prêtre fidei donum à l’Île Maurice
Septembre 2019

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