Les évêques du Tchad : Nous ne pouvons pas taire ce que nous voyons et entendons

Pays charnière entre l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, activement engagé dans la lutte contre le radicalisme islamique, le Tchad est aux prises avec une crise politique, économique et sociale devant laquelle la Conférence des Évêques prend position.

cetCinquième pays le plus vaste d’Afrique, avec une superficie de 1 284 000 km2, le Tchad représente la transition entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire, sur le plan tant géographique que culturel. Il a pour voisins la Lybie, le Soudan, la République centrafricaine, le Cameroun, le Nigeria et le Niger, occupant ainsi une position stratégique également sur le plan militaire.  Sa population, inégalement répartie et concentrée au Sud pour des raisons climatiques, était estimée en 2015 à environ 11,63 millions d’habitants. L’islam représente la religion majoritaire (55 % environ), suivie du christianisme (35 %). Carte d’Afrique pour localiser le Tchad.

Le Tchad compte plus d’une centaine de groupes ethniques, dont deux majoritaires : les Sara au Sud, (environ 34% de la population), eux-mêmes composés de différents groupes, et les Arabes au Centre (environ 14%). Une des caractéristiques de cette population est le clivage Nord-Sud, résultat de l’assemblage de deux régions historiquement opposées.

Le pays est gouverné depuis 1990 par Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir après avoir renversé Hissène Habré, avec le soutien de la France. Sa longévité au pouvoir rappelle celle de nombre de ses homologues africains, pour qui il semblerait qu’être président à vie représente la norme. « Le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême », disait Henry Kissinger, prix Nobel de la Paix en 1973 ; il semble en tout cas représenter le recours suprême contre les inculpations de génocides, crimes contre l’humanité, trahison, corruption, évoquées contre certains anciens présidents africains.

Idriss Déby, président du Tchad

Idriss Déby, président du Tchad

Président en exercice de l’Union africaine, Idriss Déby joue un rôle de premier plan dans la lutte contre le radicalisme islamique. L’armée tchadienne est impliquée aux côtés de la France dans l’opération Barkhane de lutte contre les groupes armés djihadistes dans la région du Sahel et N’Djamena, la capitale, accueille le poste de commandement de l’opération. L’armée tchadienne est également le fer de lance de la Force Mixte Multinationale en lutte contre Boko Haram, secte islamiste nigériane ayant fait allégeance à Daesh qui commet de multiples exactions tant sur le territoire nigérian qu’au Cameroun et au Tchad voisins. Enfin le Tchad intervient aussi en Centrafrique, qu’il considère comme stratégique en raison de ses ressources en pétrole, et où il est accusé de soutenir les rebelles de la Seleka.

tchadToutes ces implications font d’Idriss Déby un allié obligé de la France dans la lutte contre le terrorisme et peuvent expliquer le silence de celle-ci sur les violations des droits humains et de la démocratie au Tchad, par ailleurs fragilisé actuellement par une grave crise sociale et financière. La chute des cours du pétrole, dont le pays est exportateur depuis 2003 et qui représentait « le premier pilier du budget de l’État », ainsi que l’effort de guerre pour lutter contre le djihadisme, ont conduit à des mesures budgétaires qui ont entraîné des grèves importantes chez les fonctionnaires et les étudiants.

Devant cette situation, les évêques du Tchad « témoins de ce qu’il [le peuple] vit quotidiennement » pointent dans leur lettre pastorale les signes et les causes de la crise, au niveau politique, économique, social, culturel, moral et religieux, avant de proposer des pistes « afin de poser des actes solidaires pour sortir de cette crise ». On peut retenir de ce message de Noël l’analyse sans concession des responsabilités dans le contexte sociopolitique et économique actuel (gestion des élections présidentielles, mesures d’austérité, conflits intercommunautaires), ainsi que l’appel à « nous unir autour des valeurs favorisant la cohésion sociale » et la question renvoyée à chacun (qui n’est pas sans rappeler les interpellations de Jean-Baptiste) : « que dois-je faire pour sortir mon pays de cette situation ? ».

Message des évêques tchadiens

Annie Josse
Décembre 2016

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