Vivre ensemble ?

Pierre Diarra nous présente un livre qui reprend les conclusions d’un colloque sur le vivre-ensemble tenu à Abidjan en 2015. Aucune question n’est devenue plus universelle que celle de savoir comment vivre ensemble au travers de nos différences ethniques, religieuses et autres. Sur ce sujet on lira aussi l’article: Le dialogue entre cultures et religions, un thème à l’ordre du jour.

Les défis du vivre ensemble au XXIe siècle

Paulin Poucouta, Gaston Ogui et Pierre Diarra (éd.), Les défis du vivre-ensemble au XXIe siècle. Contribution à l’occasion des 15 ans de l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest, Paris, Karthala, 2016.

Vivre ensemble. les-defis-du-vivre-ensemble-au-xxie-siecleDepuis quelques années, il est souvent question du vivre-ensemble. Est-ce parce qu’il est impossible d’harmoniser les « identités meurtrières »[1] et de faire dialoguer des personnes qui ont différentes habitudes culturelles et religieuses ? Les difficultés pour accueillir les migrants occultent souvent ce qui met des milliers de personnes sur les routes, la corruption et la mauvaise gestion des ressources, mais aussi des injustices internationales et des égoïsmes.

Chacun a son point de vue sur les joies et les peines que peuvent avoir des personnes d’origines diverses à vivre ensemble. La conséquence pour certains, c’est un repli sur soi ; pour d’autres, c’est le renforcement de la peur de l’étranger. Que peuvent apporter les universitaires et les étudiants dans la recherche de solutions aux problèmes qui se posent ? Telle est la principale question à laquelle les auteurs de cet ouvrage répondent, après avoir confronté leurs réflexions lors d’un colloque international qui s’est tenu à Abidjan du 17 au 19 mars 2015, à l’occasion du quinzième anniversaire de la création de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO).[2] Dans tous les continents, des personnes ayant différentes références culturelles et religieuses sont confrontées à la difficulté de vivre ensemble.

Les conflits, les guerres ethniques et les difficultés de dialogue entre les peuples constituent la toile de fond de l’ouvrage. Comment « vivre ensemble » en prenant au sérieux la vérité historique des mouvements migratoires, sans occulter les injustices ? Comment penser « le même et l’autre », sans réduire « le sujet » au statut d’« objet » ? Comment les chrétiens peuvent-ils témoigner de la fraternité en Christ, celui qui a détruit toutes divisions (Ep 2, 13-18), sans se limiter à de beaux discours qui n’engagent pas dans la construction d’un monde plus humain ? Comment passer de l’obligation ou du désir de « vivre ensemble », à la détermination à « vivre en frères et sœurs » ? En distinguant « nous » et « eux », on peut repérer des similitudes socioculturelles, linguistiques et religieuses mais aussi des différences et des ambiguïtés étonnantes. Comment dynamiser des peuples divers, stimuler une multitude d’hommes et de femmes à dialoguer, en dénonçant les « identités meurtrières » et le repli sur soi, afin qu’ils optent résolument pour une « hospitalité réciproque »[3], l’amitié et la sauvegarde de la « Maison commune » ? Entrer dans la dynamique de Pentecôte, c’est refuser de céder à la tentation de retourner à Babel. La question de l’interculturel s’articule avec celle de l’intégration, dans son rapport au religieux, au social et au politique. Répondre à diverses quêtes de sens, c’est aussi élaborer avec d’autres les bases d’un « vivre ensemble ».

Pour dialoguer avec « l’autre », sujet à connaître et à reconnaître sans relâche, il faut accepter de changer souvent de regard, même si c’est difficile, et de se convertir sans cesse. Travailler à instaurer plus de tolérance et de respect des autres, toujours différents de ce que l’on sait d’eux, c’est aussi tisser la toile du métissage pour développer la culture du débat constructif. La « fraternité en Christ », évoquée par plusieurs auteurs, nourrit leurs réflexions souvent fondées sur une christologie contextualisée. Le lecteur est invité à passer de la théorie à la pratique, pour inventer des moyens concrets en vue d’instaurer des relations interculturelles favorisant le dialogue et la paix, la justice et l’amour. Cet ouvrage peut aider à relever les défis du vivre-ensemble, à s’ouvrir à la Mission universelle de l’Église et à s’engager dans les rencontres interculturelles et le dialogue interreligieux.

 

Pierre Diarra,
Responsable en France de l’Union Pontificale Missionnaire
Œuvres Pontificales Missionnaires

 

[1] Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998.
[2] L’UCAO, créée par la Conférence Épiscopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO) en février 2000, compte sept Unités Universitaires (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Mali, Sénégal, Togo), organisées autour d’un unique Recteur, chacune étant dirigée par une Présidence.
[3] Maurice Pivot, Au pays de l’autre. L’étonnante vitalité de la mission, Éd. de l’Atelier/Éd. Ouvrières, 2009, p. 146.