Accueil d’une communauté de religieuses étrangères

Avec la diminution rapide et importante du nombre de religieuses en France, de nombreux diocèses se sont tournés vers l’accueil de religieuses étrangères. Lorsque celles-ci appartiennent à une congrégation « internationale » ou « française à extension internationale », le choc culturel est moindre, l’adaptation en France se fait sans doute plus facilement, ces religieuses étrangères ont sans doute l’habitude de vivre en communautés internationales ou interculturelles… Lorsque ces communautés religieuses n’ont aucune racine en France, il faut  croire que l’adaptation à la société français est plus délicate. On trouvera ici l’exemple d’une communauté brésilienne accueillie dans le diocèse de Coutances.

Arrivée à la paroisse, le 6 juin 2018.

Arrivée à la paroisse, le 6 juin 2018.

Du Brésil à Granville

Une communauté des Serviteurs et Servantes de Marie du Cœur de Jésus est arrivée à Granville (diocèse de Coutances) il y a presque un an. Quel chemin parcouru ? Il est le fruit de la rencontre de deux désirs, d’un côté celui des chrétiens de la paroisse Saint Nicolas de Granville, de l’autre celui de la toute jeune communauté, elle a été fondée en 1997 et est reconnue comme association de fidèles.

« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création » Marc 16,15

Fondée en 1997, au Brésil, par un couple, Ana Rita Otaviano Tavares de Melo et José Tavares, la communauté des Serviteurs et des Servantes de Marie du Cœur de Jésus est constituée canoniquement comme association privée de fidèles. Dès le début les fondateurs ont entendu l’appel à aller « partout où des portes s’ouvriront « . La communauté est présente en Amérique Latine (Brésil et Colombie), en Europe (France, Italie, Portugal, Pologne) et en Afrique, au Rwanda. Elle compte déjà 21 communautés, une communauté est arrivée en France à Saint-Maur des Fossés en 2013. Son objectif principal est l’évangélisation : « Vivre et témoigner avec joie de ‘l’amour et la compassion du Cœur de Jésus’ pour les pauvres et ceux qui souffrent des conséquences du péché et du manque d’amour, conduits par la tendresse du Cœur Immaculé de Marie, mère de Dieu et notre Mère ! »

Une communauté paroissiale en attente

De leur côté à Granville, les paroissiens de Saint Clément avaient vécu douloureusement le départ des sœurs de saint Thomas de Villeneuve en 2008, les sœurs tenaient une place importante dans le quartier ou elles tissaient beaucoup de liens. Leur maison communautaire était restée vide.  L’appel à rechercher une autre communauté religieuse est venu  de l’équipe d’animation pastorale à la suite du départ d’une autre communauté de religieuse située dans la vieille ville en décembre 2016. Dans le même temps l’animation pastorale s’était développée en particulier en direction des jeunes. Sœur Paula et des membres de la communauté de Saint-Maur sont venus à Granville à l’occasion d’un festival missionnaire durant l’été 2017, cela a été le premier lien avec la communauté Servantes de Marie du Cœur de Jésus. Cette présence temporaire a ravivé l’aspiration à voir des sœurs venir s’installer sur la paroisse. Les membres de l’équipe pastorale ont mis par écrit leurs attentes, désirs et projets ont été transmis à l’évêque et au conseil presbytéral. Dans le même temps, d’autres paroissiens en particulier les personnes en maison de retraite, portaient ce projet dans la prière. Avoir vu les sœurs à l’œuvre durant le festival a fait que c’est vers les Servantes de Marie du Cœur de Jésus qu’est partie une demande pour l’installation d’une communauté. Les fondateurs passant en France sont venus à Granville et ont pu dialoguer avec le curé, rencontrer Mgr Le Boulc’h et visiter les lieux possibles d’implantation. Peu de temps après ils donnaient une réponse positive et annonçaient l’envoi de quatre membres de la communauté à Granville, trois femmes et d’un homme. « Quand j’ai annoncé la venue des sœurs dans une messe, des gens se sont mis à applaudir. C’est une belle dynamique qui nous réjouit », dit le père Régis Rolet, le curé. Un investissement financier et le travail d’une cinquantaine de bénévoles ont permis de réhabiliter les locaux en un temps record.

Elles sont là : présence missionnaire

Le 6 juin 2018, dix ans après le départ des sœurs de Saint Thomas, Sœurs Andreza, Paula, Kallyne et Frère Joelson posaient leurs valises au Centre Jean-XIII à Granville ; une bonne centaine de personnes, dont madame le Maire, formaient un comité d’accueil. La communauté s’est sentie attendue et accueillie, « cela a aidé à surmonter les doutes et les peurs : autre langue, autre culture, autre façon de faire Église » dit sœur Paula, la seule à maitriser le français à l’arrivée. La présence de la communauté sur Granville est aussi un bel acte de confiance à la Providence et de solidarité paroissiale, l’évêché prend en charge les frais de la CAVIMAC, verse une petite indemnité à la communauté qui vit pour l’essentiel des dons des paroissiens, tel groupe de prière assure un ‘caddie’ par mois, d’autres personnes apportent des dons en nature, « nous n’avons manqué de rien« .

L’arrivée de la communauté en juin avec l’été et les animations propres à la période estivale ont facilité l’adaptation, il fallait se mettre au français, s’habituer à une autre nourriture…. La mission de la communauté est d’abord une mission de proximité et d’écoute dans un quartier populaire. La communauté assure une permanence dans la prière, temps de célébration de l’office liturgique, temps d’adoration ouvert à tous. Les sœurs sont particulièrement attentives au monde du handicap et il est très présent sur la ville qui ne compte pas moins de dix établissements spécialisés. La communauté est de plus en plus demandée pour des animations dans les établissements scolaires, « La danse et le chant font partie de notre charisme » dit sœur Paula qui note l’importance de la présence de frère Joelson, celui-ci touche plus facilement les garçons. Les jeunes sont sensibles au fait que les membres de la communauté aient quitté leur pays pour venir porter l’Évangile dans un monde inconnu. Un an après leur arrivée le père Régis Rolet se dit impressionné par l’impact de la communauté.

Rencontre des religieuses et religieux de moins de 55 ans

Rencontre des religieuses et religieux de moins de 55 ans

Un nouveau visage de la vie religieuse et de l’Église

Toutes les insertions de communautés religieuses étrangères ne sont pas aussi bien réussies ni bien préparées. Il reste qu’après la venue de prêtres d’autres continents, l’arrivée de communautés de religieuses n’est plus une chose rare, le diocèse de Bayeux compte cinq communautés de sœurs non françaises. Des congrégations, comme la communauté venue à Granville, entendent l’appel à aller porter l’Évangile au loin, certaines sœurs africaines vivent leur présence en France comme un juste retour : « Je vis cette mission comme une mission de reconnaissance, car c’est la France qui nous a transmis les valeurs de notre foi » dit une Fille du Saint Cœur de Marie de Lisieux. D’autres congrégations ont le désir de venir sur les lieux où ont vécu de leur fondateur. C’est le cas des Sœurs Amantes de la Croix fondées par Monseigneur Lambert de la Motte originaire du diocèse de Bayeux, elles sont présentes dans le diocèse à Balleroy où « sympathiques et efficaces, elles assurent une présence structurante » pour un secteur paroissial sans prêtre dit le père Xavier Signargout, vicaire général de ce même diocèse. Le premier mai, à l’invitation de Mgr Boulanger, une rencontre des religieux et religieuses de moins de 55 ans a réuni environ 65 personnes, plus de la moitié venait d’un autre continent, « On dit qu’il n’y a plus que des religieuses âgées et de vieux religieux, c’est faux dans le Calvados. Ils viennent de tous les continents et préfigurent l’avenir de l’Église dans nos diocèses » dit tout joyeux Mgr Boulanger. La présence de ces jeunes religieuses et religieux venus d’autres continents renouvelle l’image de la vie religieuse et est signe important de l’universalité de l’Église.

Colette Bence
mai 2019