Une mission en Israël-Palestine : le MITIP

Un voyage/pèlerinage/visite en Israël-Palestine est une expérience inoubliable pour beaucoup. C’est aussi un outil d’animation, un moyen pédagogique, une manière agréable de mieux connaitre la Bible, une formule pour souder un groupe… Beaucoup de paroisses, services diocésains, mouvements ou associations organisent de tels voyages ou pèlerinages. Voici le récit d’une telle expérience.

Israël-palestine. Tibériade - Célébration

Célébration au dessus du lac Tibériade

1- Dates de la visite

Le groupe est parti du 13 au 24 octobre 2018.

2- Composition du groupe.

C’était un voyage de 10 personnes liées au Service de la Mission universelle à Paris (SNMUE). Les participants étaient : les quatre salariées du service, deux bénévoles, deux conjoints, une retraitée du service et le directeur-prêtre du service. Dix personnes. Quatre avaient déjà été en Israël-Palestine. Et six y partaient pour la première fois.

3- Nom de cette expédition

Les mots utilisés ne sont pas innocents. Pèlerinage ? Visite ? Alter tourisme ? Tourisme culturel ? Vacances autogérées ? Encore autre chose ?

Nous avons consacré l’une des séances de préparation à réfléchir au statut du pèlerinage en christianisme. Et avons décidé d’appeler ce déplacement, un peu par ironie : MITIP, mission de terrain en Israël et Palestine.

4- Objectifs

Quatre objectifs, et donc quatre volets durant le séjour :

  • visiter les lieux saints chrétiens, musulmans et juifs
  • lire la Bible dans son enracinement géographique
  • comprendre le conflit Israël-Palestine sur le terrain
  • faire l’expérience d’un temps de désert

5- Programme des visites

On consultera ici le programme des douze jours. Programme

6- Processus de préparation.

L’avantage de ce type de voyage est que les participants se connaissent à l’avance, et habitent tous en région parisienne. Un processus de préparation est donc possible. Le groupe s’est réuni cinq ou six fois durant les mois précédant le départ pour étudier tel ou tel aspect : histoire biblique ; histoire générale de la région ; question de la paix entre Israël et la Palestine ; le judaïsme en Israël et en France ; préparation pratique (location de voitures, assurances, livres…)… Cela évite trop d’explications sur le terrain et cela laisse ainsi du temps pour « profiter » du séjour sur place.

7- Budget et esprit du MITIP.

Le voyage est autogéré. Pas de guide. Pas d’autobus. Location de trois voitures. Trois lieux d’hébergement : auberge de jeunesse (très confortable) à Mitzpe Ramon pour deux nuits ; trois nuits à l’Oasis à Tibériade ; six nuits au Centre d’accueil de St Pierre in Gallicante à Jérusalem.

Ce MITIP est revenu à 1200-1300€ par personne pour douze jours, billet d’avion compris. L’avion était un low cost, le billet a été acheté huit mois à l’avance, à un prix très abordable.

8- Avis des participants… (de P1 à P9).

Question : citer un lieu, un évènement qui m’a marqué, qui m’a ému, dont je me souviendrai positivement… un endroit où je souhaiterais retourner si nous avions eu un jour de plus, un jour de libre pour aller là où nous avons été enchantés…

P1 : J’ai beaucoup aimé le Mt Carmel, à Haïfa, je n’avais aucune idée de la vie carmélitaine, or j’adore Sainte Thérèse d’Avila, je ne connaissais pas, je n’avais pas été là-bas lors de mon premier pèlerinage… j’ai aimé l’intervention entendue là-haut sur le Mt Carmel, sur la réforme du Carmel au XVIe siècle…
Plus anecdotique : j’ai aimé la grotte dite de St Jérôme au-dessus de Tabgha… c’est un faux lieu, c’est un peu ironique, j’y ai cru, et c’est beau et inspirant…

P2 : Le chant dans la grotte de l’invention de la Croix[1], on était en communion avec le lieu, avec les gens présents…

P3 : Je serais volontiers retournée au bord du lac de Tibériade, en particulier à côté de l’église de la primauté de Pierre, parce que ce n’était pas envahi par la foule, c’est un endroit où j’ai pu prier…
D’ailleurs peut-on prier en Terre Sainte ? Il faut trouver les endroits : le balcon de ma chambre à Tibériade, une chaise dans le jardin de l’Oasis, l’église d’Abou Gosh…
Il y a des endroits où c’est difficile de prier. La basilique de l’Annonciation à Nazareth : il n’y a pas d’espace, des groupes passent dans tous les sens… A Bethléem : trop de gens, trop de bruit, pas d’endroit où s’asseoir… L’église latine est plus tranquille que la basilique…
Pour prier en Terre Sainte, il faut être dans la nature, et pas dans les basiliques. Les lieux officiels sont trop courus, les lieux saints voient trop de monde passer.
La messe du mardi a été célébrée dans un beau lieu, dans la nature, au-dessus du lac de Tibériade. On prie en dehors des églises…

P4 : J’ai aimé Tibériade, surtout la nature, la vue sur le lac, sur les paysages… j’ai aussi aimé le désert… le temps de célébration au-dessus de Tabgha, la simplicité, dans un paysage qu’on peut imaginer être celui que le Christ a vu de ses yeux, c’était un moment fort…

P5 : Il y a des endroits étonnants qui génèrent de l’émotion : l’atmosphère du lac de Tibériade, on sent que Jésus se promenait dans cette région, on ressent un parfum d’Évangile, la nature est belle, Tibériade, je serais volontiers resté là un jour de plus…
Capharnaüm : c’est très concret, la maison où Jésus a passé, il s’est arrêté chez Pierre, l’endroit où les pêcheurs partaient avec leurs barques, la synagogue… On s’imagine la vie que Jésus menait là en habitant chez ses amis, c’est très concret, on visualise ce qu’il pouvait faire…

P6 : Le lieu qui m’a le plus ému, c’est le monastère des Clarisses (aujourd’hui Petits Frères de Jésus) où Charles de Foucauld a travaillé à Nazareth. Je me suis dit : de quoi faut-il se débarrasser pour se rapprocher de Dieu ? Qu’est que j’ai de trop pour voir l’autre, pour voir Dieu, cela m’a beaucoup touché…
Il était important de terminer par une marche dans le désert du Waddi Qelt. Cela a permis de réfléchir à certains points soulevés au cours du pèlerinage.

P7 : Je retournerais volontiers à Yad Vashem[2], parce que je n’ai pas eu le temps de tout voir, en une journée, l’histoire de la Shoah a d’énormes conséquences sur l’histoire actuelle du Moyen Orient, il faut réaliser comment les juifs en Israël vivent l’histoire, l’image qu’ils se font du passé, beaucoup sont venus en Israël après la shoah, cela me touche beaucoup….
La galerie des portraits, pour que les victimes ne soient pas oubliées, pour leur donner un nom, cela m’a émue, c’est important de ne pas oublier les gens… On a tellement voulu nier leur dignité d’être humain, donc le fait de garder leur nom, le nom des millions de victimes, cela est très important. La Salle des Noms : aucun cimetière, aucune pierre tombale, aucune trace n’a subsisté de la disparition des six millions de victimes de la Shoah. La Salle des Noms de Yad Vashem est le mémorial dédié à chaque Juif assassiné pendant la Shoah.

P8 : Je retournerais au lac de Galilée, c’est l’endroit où les paysages ont le moins bougé depuis des siècles, il n’y a pas trop de constructions, il y a un côté naturel qui laisse penser que ce que nous voyons, le Christ l’a vu aussi !
J’ai aimé les jours à Tibériade, la messe du mardi sous l’arbre, avec la vue sur le lac, on s’imagine plus facilement la vie en groupe des disciples autour de Jésus. Nous étions dix, ils étaient douze ou treize, c’est le même format… Où que les disciples aillent, il y avait du monde. Et nous étions suivis par des hordes de car et de touristes, qui venaient qui repartaient. J’ai aimé le calme de la messe sur le mont des Béatitudes, sous l’arbre.

P9 : Je retournerais volontiers dans le cratère du Mitzpe Ramon. Le paysage m’a énormément touché, par son immensité, son calme, peut-être est-ce lié au premier jour, les premières images d’un lieu ignoré jusque-là… Cela donne l’état d’esprit du pèlerinage, on laisse derrière soi ses habitudes, la routine, pour une découverte… J’ai aimé ce temps de silence et de paix, marqué par la première célébration eucharistique, le temps de la marche qui permet aux liens amicaux de s’exprimer…
C’est ce que j’ai aimé dans l’ensemble de ce séjour : ce ressourcement, à la fois spirituel et historique… Très complémentaire : le ressourcement par l’histoire biblique, par les temps de méditation, les trois temps : les béatitudes, le temps thérésien au Mt Carmel, le temps du désert à Jéricho…

Quelques commentaires en marge de ce MITIP

  1. Il existe des personnes qui sont allergiques aux voyages en grand groupe, avec bus, guide, horaires stricts… pour ces personnes, il faut trouver une autre formule pour leur permettre de bénéficier de la grâce d’une visite en Israël-Palestine. Un petit groupe autogéré est sans doute une alternative au pèlerinage en groupe de 50 personnes.
  2. Durant des décennies, l’un des défis du pèlerinage sur les Lieux Saints consistait dans le spectacle affligeant de la division des Églises chrétiennes. Le pèlerin découvrait la pluralité des Églises chrétiennes au Moyen Orient, et revenait scandalisé de cette division.
    Aujourd’hui, avec la mentalité post-moderne qui est souvent la nôtre (et qui valorise la diversité), on se scandalise moins de cette pluralité-division des Églises chrétiennes. On se félicite de pouvoir faire en Terre Sainte l’expérience de l’universalité de l’Église : des pèlerins du monde entier y viennent ; on rencontre des chrétiens de toutes langues, nations, tribus, cultures… et aussi de toutes dénominations confessionnelles.
  1. Jadis, les catholiques et les orthodoxes faisaient des pèlerinages. Les protestants (historiques : réformés et luthériens) étaient plus que réticents devant l’idée même de pèlerinage. Aujourd’hui, on trouve beaucoup de « protestants » sur les lieux saints, surtout des évangéliques, avec leur exubérance et leur spontanéité…
  2. On peut se demander si la logique du pèlerinage n’est pas, aujourd’hui, souvent subvertie de l’intérieur, transformée, reformulée par une logique de tourisme. La mentalité de touriste gagne du terrain partout, surtout chez les ressortissants des pays nouvellement enrichis. On trouvera ici dans les semaines à venir un article sur ce sujet de la logique du tourisme qui pénètre les autres logiques, en particulière celle du pèlerinage…
  3. Les visiteurs des lieux saints sont devenus trop nombreux, les équipements des lieux saints sont saturés. Il devient difficile de prier dans les lieux saints. Plusieurs participants au MITIP disent sans rire : pour prier, il faut sortir des églises.
  4. Le désert garde son pouvoir enchanteur dans l’imaginaire des Français. Désert biblique, réminiscence du désert au sens métaphorique du terme, beauté naturelle, exemple de Charles de Foucauld… il est plus facile de faire un pèlerinage dans le désert que sur les traces des Lieux Saints.

Antoine Sondag,
octobre 2018

[1] Lorsque nous avons visité l’église du St Sépulcre, nous sommes descendus dans la grotte (transformée en chapelle) dite de Ste Hélène, puis plus bas, dans la grotte (transformée aussi en chapelle) dite de la découverte de la Croix du Christ. Il y avait là 6 personnes qui priaient en chantant, la prière était sereine et intense, le chant était beau, en latin, avec mélodie et basse continue…
[2] Yad Vashem est un mémorial israélien situé à Jérusalem, construit en mémoire des victimes juives de la Shoah perpétrée par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est à la fois un musée de la Shoah et un ensemble de lieux de mémoire.