Témoignage d’un religieux coréen en mission en France

Témoignage de OH Eun Kyu Jean-Bosco, religieux coréen en mission en France

 

Père, bonjour, vous appartenez à la congrégation des Martyrs de Corée, pouvez-vous nous présenter votre congrégation?
La congrégation des Martyrs de Corée est une communauté récente. Elle a été fondée en 1953. Elle comprend environ 140 membres. Elle comporte une branche masculine et deux branches féminines, à la fois marquée par la spiritualité bénédictine, “ora et labora” et le témoignage des martyrs. Très présente en Asie du Sud-Est, elle est maintenant implantée en France. Cette implantation est liée au passage de l’évêque du Mans,  Monseigneur Yves Le Saux, en Corée en 2011, il y allait pour rendre hommage aux martyrs de Corée, en particulier à saint Siméon-François Berneux, quatrième évêque de Séoul natif de Château-du-Loir. A cette occasion, il a rencontré notre supérieur général et lui a demandé d’envoyer des membres de sa congrégation en France.

Comment êtes-vous arrivé en France, depuis quand ?
Durant ma formation, j’ai fait un stage au Vietnam, près de jeunes orphelins. Cela a été un moment dur, vécu dans des conditions matérielles difficiles mais j’étais reconnu, je me sentais bien, cela a été une belle expérience. Quand j’ai été envoyé en France, j’étais responsable de formation et je n’avais manifesté aucun désir de partir à l’étranger. J’ai été envoyé en France sans que l’on me demande mon avis, l’obéissance de mon état religieux ne me donnait pas la possibilité de dire non, c’est aussi une question de culture. Je suis en France depuis cinq ans.

Témoignage d'un religieux coréen en mission en France - Le père jean-Bosco entouré d'enfants

Le père jean-Bosco entouré d’enfants

Quelles ont été vos premières  impressions ?
Je suis arrivé en France sans y avoir été préparé. J’ai passé des moments très difficiles, je suis resté cinq mois en secteur rural avant d’aller à Paris étudier la langue et la culture française. Il y avait avant tout la barrière de la langue, je ne parlais pas du tout le français. Au bout de cinq mois je suis parti à Paris, J’y ai eu faim et froid, je me suis demandé : qu’est-ce que tu fais là ? J’étais arrivé avec beaucoup d’énergie et je me sentais inutile… je revenais dans le diocèse du Mans le weekend pour bien m’insérer dans la pastorale du diocèse. Je travaillais tard dans la nuit, sans arriver au bout de mon planning. Cela a été une période très difficile pour moi. J’ai beaucoup réfléchi et médité sur la vie des martyrs de Corée. Il s’agit pour moi de donner ma vie d’une autre façon mais en suivant leurs traces.
J’ai découvert les conditions difficiles de vie du presbyterium de l’Église en France et même les conditions de pauvreté de l’Église. Le nombre de prêtres diminue, le travail est difficile, nous devons parcourir de longues distances… J’ai d’autre part rencontré des chrétiens à la foi profonde. La persécution moderne ne serait-elle pas celle des centres d’intérêt modernes: argent, loisirs etc…? Les questions qui se posent en France se poseront vraisemblablement en Corée dans quelque temps, déjà les vocations sacerdotales se raréfient.

Aujourd’hui ?
J’habite au presbytère de Mamers avec un prêtre français, je suis engagé dans la pastorale paroissiale en particulier près des jeunes. Un de mes confrères est en mission à Château-du-Loir, nous nous rencontrons environ une fois par mois mais nous ne vivons pas en communauté, notre objectif premier est de bien nous intégrer dans la pastorale diocésaine. En 2015, deux autres frères de la congrégation des Martyrs de Corée sont venus en France et habitent à Aix : le diocèse d’Aix a aussi donné un évêque à la Corée.
Je pense que les difficultés liées à mon arrivée m’ont fait grandir dans la foi, dans mon attachement à ma vocation de prêtre, de missionnaire. Pour moi actuellement, ma priorité est de vivre la Mission en Europe dans le sillage des martyrs de Corée. Je suis, par ailleurs, chargé de faire le lien entre les membres de notre congrégation présents en France, Italie et avec les supérieurs majeurs de la Congrégation qui sont en Corée. Trois religieuses de la branche féminine de notre congrégation sont arrivées récemment, elles étudient le français à Angers et reviennent dans le diocèse chaque fin de semaine. Je prends soin d’accompagner les nouveaux arrivants afin que les difficultés que j’ai rencontrées au début de mon séjour leur soient épargnées.

Donner ma vie comme les martyrs au XIXème siècle: voilà ce qui me porte.

Eun Kyu Jean-Bosco OH
Religieux de la congrégation des Martyrs de Corée
juin 2017